Ouuuuh je vois déjà les sourcils se froncer à l'évocation du nom de Michael Moore. Ses méthodes ne font certainement pas l'unanimité, même si pour ma part je trouve les critiques à son égard assez infondées. Ou plutôt, elles ont cette formidable utilité, pour ses détracteurs, de leur éviter de causer du véritable contenu des films de Michael Moore, et qui est à mon sens l'intérêt majeur de sa démarche.
Alors effectivement ses documentaires n'en sont pas à proprement parler, il y a des mises en scène, du sensationnalisme, pour accrocher le spectateur qui a priori n'est pas du genre à aller voir un docu au ciné. C'est sa technique d'accroche, et ça peut agacer, mais ça a au moins le mérite de toucher un maximum de monde, ce qui est l'objectif visé. Et ce n'est pas seulement pour faire des entrées, donc des pépètes.
Le but est de faire passer un message politique, à sa manière, avec de l'humour et d la provoc'. Alors il arrange pitêtre un peu les choses pour abonder en son sens, mais le fond en lui-même est irrépochable.
Mais venons-en au film
Sicko, qui est de loin le meilleur que j'ai vu de lui.
Cette fois, Michael Moore, après avoir en vain essayé d'empêcher la réélection de Bush, s'attaque au système de santé américain (pointant à la fois les démocrates et les républicains, solidaires dans leur travail de sape du système de santé américain). Et c'est vraiment édifiant.
On n'est pas sans ignorer que des millions d'américains n'ont aucune couverture sociale, donc aucun accès au soin s'ils ne sont pas un minimum pleins aux as.
Mais ce que j'ignorais, c'est que même ceux qui ont une couverture sociale, qui cotisent lourdement pour cela, n'ont pas forcément accès aux soins, loin de là même. Les compagnies d'assurance-santé font tout leur possible pour ne pas que leurs assurés bénéficient des soins, au péril de leur vie, pour faire des économies et s'enrichir un max, avec l'aval des politiques. Et là Michael Moore s'efface et laisse la parole à ceux qui en ont été victimes... j'en ai encore la gorge nouée... les témoignages sont accablants et reflètent une réalité totalement abjecte. Ces compagnies se rendent coupables de la mort d'un grand nombre de leurs assurés qui se sont vus refuser des soins vitaux sous divers prétextes (maladie ou traitement non-couvert par l'assurance, hôpital non-agréé, etc.). Les politiques n'auront pour leur part eu de cesse de diaboliser le système médical socialisé (la couverture maladie universelle).
En comparant le système de santé américain à celui des canadiens, des britanniques et des français, on se rend compte que ce qui paraît aller de soi ailleurs (gratuité et accès aux soins pour tous, couverture maladie universelle) devient un véritable parcours du combattant pour les américains.
Attention, si vous n'avez pas vu le film (ce que je vous conseille vivement de faire), ce qui suit contient des spoilers!Un exemple : une mère emmène sa petite fille (de 18 mois je crois) qui a 40 de fièvre à l'hôpital le plue proche de chez elle. En France, au Canada, en Grande-Bretagne, l'enfant est pris en charge et soigné, surtout qu'une telle fièvre est dangereuse pour elle. Hé bien cette mère s'est vu refuser les soins envers sa petit fille, elle a dû l'emmener dans un hôpital plus éloigné mais agréé par sa compagnie d'assurance. Résultat : la petie fille est morte durant son transfert... Elle aurait été française, elle serait encore en vie!
Autre exemple : une jeune femme de 22 ans a un cancer. Dommage pour elle, c'est rare d'avoir un cancer si jeune, c'est donc pour cette raison que sa compagnie d'assurance lui refuse le remboursement des soins qu'elle ne peut payer toute seule. Alors soit elle se résigne à ne pas avoir de traitement, donc à mourir, soit elle part se soigner au Canada en épousant un canadien pour pouvoir bénéficier de son système de soins. C'est ce qu'elle fait, mais c'est illégal. D'ailleurs à la fin du film, une adresse est donnée, pour les américains qui ont besoin de soins médicaux mais qui n'y ont pas accès, pour épouser un ou une canadien(nne) afin d'être soigné.
Une des choses qui m'a le plus secouée (outre les témoignages de gens qui ont perdu des êtres chers car les soins leur ont été refusés, même s'ils ont une assurance-santé) c'est que les gens qui vont à l'hôpital mais n'ont pas les moyens de payer les soins, hé bien, on les vire en douce! Certains sont refusés dès l'entrée, mais les blessés graves, ceux qui ont eu un accident de la route par exemple, et qui sont quand même pris en charge un minimum à l'hôpital, dès qu'on sait qu'ils n'ont pas d'argent pour payer les soins, sont mis dans un taxi et lâchés en pleine rue devant un dispensaire pour indigents.
C'est par exemple le cas d'une femme, une côte et la clavicule cassée, des points de suture sur la moitié du crâne, qui est amenée par un taxi depuis l'hôpital et se retrouve lâchée en pleine rue, complètement déboussolée et souffrante, laissée là comme un tas de déchets.
Ce qui a dû le plus choquer les américains, j'imagine, ce sont tous les "héros" du 11 septembre, tous les volontaires qui ont mis leur santé en péril pour sauver des vies. Ils ont des séquelles à vie, suite aux actions qu'ils ont menées dans les ruines des tours. Ceux-ci sont égalemnt des abandonnés du système de santé américain. Là où le côté provoc' de Michael Moore intervient, c'est qu'il leur propose d'aller se faire soigner à Guantanamo! Ils bifurqueront en fait vers Cuba où ils trouveront un accès aux soins! (le comble!!!)
La seule chose que je reprocherai au film, c'est durant le moment où Michael est en France pour se renseigner et recueillir des témoignages sur notre système de santé, il présente une famille française qui gagne 6000€/mois comme une famille moyenne, ce qui n'est pas du tout le cas... m'enfin ça ne change rien au propos du film.
Ce qui peut déplaire aussi, c'est que Michael a payé les soins médicaux de la femme d'un de ses détracteurs sur le ouèb (qui lui consacre un blog) en lui faisant parvenir un chèque anonyme... il devait fermer son blog, n'ayant plus les moyens nécessaires de le faire perdurer, devant assumer les soins (pratiqués selon des tarifs astronomiques come c'est la règle aux USA) pour sa femme. Certains y verront une manière d'en faire son obligé, moi j'y vois une manière de le rallier à sa cause.
M'enfin bon, quoi qu'on puisse penser de la personne de Michael Moore et de ses méthodes, ce film a au moins le mérite de pointer des pratiques révélatrices de la volonté de faire passer le profit avant la vie des gens, en toute légalité. Je ne sais pas trop coment le film a été reçu aux USA, mais il a dû être mal digéré, tant du côté des démocrates que des républicains.
Bande annonce