le gore ( signification originale : encorner ) est apparu au cinéma depuis le début des années 60; avant, si quelques images dans certains films montraient du sang, tout se déroulait en majeure partie hors du champ de la caméra.
pour exemple, nous pouvons parler du célèbre meurtre sous la douche dans "psychose" de alfred hitchcock, qui, tout en détaillant le déroulement de la séquence plan par plan, évite soigneusement les images où le couteau pénètre dans le corps de la victime ( si l'on croit le voir pendant une fraction de seconde, il n'y a aucune image où la lame pénètre réellement la chair ). tout au plus, nous apercevons les gouttes de sang qui dégoulinent et se mêlent à l'eau qui coule dans la douche.
dès 1963, le gore est né, avec le réalisateur herschell gordon lewis, qui signe "blood feast-la fête sanglante".
metteur en scène de films érotiques au succès qui décline et qui lasse les spectateurs, notre homme décide de créer un genre nouveau.
tout ceci part d'une frustration : dans les films policiers, les westerns, dès qu'une personne est touchée d'une balle et meurt, cela se fait proprement, la victime ferme les yeux, et, pour tout impact, nous n'avons qu'un trou dans un manteau et une minuscule fumée, voire rien du tout !
la magie du cinéma ne suffisant plus au nouveau public, ni à lewis d'ailleurs, il faut montrer désormais les meurtres à l'écran !
ne sachant que faire de six litres de faux sang offerts par un ami qui voulait s'en débarrasser, lewis a alors l'idée : un film horrible où, pour la première fois, des meurtres épouvantables seraient montrés et détaillés à l'écran !
"blood feast" ne coûte pas grand chose, mais obtient très vite le statut de film culte.
évidemment, les effets spéciaux sont grossiers, le sang est trop rouge, les membres coupés trop rigides, et, de plus, seul le résultat nous est montré, la technique de l'époque ne permettant pas de délivrer au spectateur un meurtre "en direct".
mais le résultat reste marquant : de belles jeunes femmes sont découpées, mutilées devant l'oeil complice de la caméra, de façon particulièrement sadique, par un tueur fou désirant ramener à la vie grâce à des sacrifices humains une déesse égyptienne.
langue arrachée, cervelle en bouillie, oeil extirpé, jambe tranchée, le film accumule en à peine une heure dix un catalogue d'atrocités, déchaînant le comité de censure d'époque, interdisant purement et simplement l'exploitation du film dans les salles !
devant ce succès et cette censure qui contribue largement à la réputation du film, herschell gordon lewis enchaîne avec "2000 maniacs", plus réussi techniquement, mais toujours autant porté vers la cruauté visuelle.
cette fois, un village fantôme et ses habitants apparaissent cent ans après la guerre de sécession, afin de se venger des yankees.
ainsi, ils préparent un centenaire festif et y convient de jeunes yankees, qu'ils vont alors torturer et tuer de façon épouvantablement imaginative !
devenu culte lui aussi, "2000 maniacs" bénéficiera d'une suite-remake, "2001 maniacs", avec robert englund, film sympathique mais laissant de côté l'esprit "redneck" de l'épisode original.
lewis, après ce double succès, poursuivra dans le gore, avec "gore gore girls" et "the wizard of gore", ce dernier métrage étant basé sur l'origine absolue du gore, le grand guignol français, des pièces de théâtre étant basées sur des trucages d'illusionnistes et montrant des victimes féminines pour la plupart du temps torturées par de sadiques bourreaux.
malgré une inspiration certaine, lewis ne renouvellera pas ses précédents succès à travers le monde, et, du coup, ces deux films ne sont même pas disponibles chez nous !
par la suite, le cinéma gore sera propulsé au devant de la scène cinématographique par des réalisateurs débutants et amateurs, qui chambouleront le fantastique classique de la hammer films et de la amicus par des productions plus réalistes et axées dans la société contemporaine : "la nuit des morts-vivants" ( 1968 ) de george andrew romero en est le parfait exemple !
décrivant une société en déroute avec l'apparition de zombies mangeurs de chair humaine, le film se concentre sur quelques survivants planqués dans une maison perdue dans la campagne de pennsylvanie, qui ne vont pas tarder à s'entredéchirer pour s'en sortir...
on voit désormais les monstres dévorer à pleines dents la chair de leurs proies, une petite fille tuer sa mère à coups de truelle...
évidemment, le film fait sensation et reste, encore aujourd'hui, une référence absolue du cinéma fantastique.
george romero renouvelle plusieurs fois la chose, notamment avec "zombie" ( 1978 ), autre grand film du genre qui marque les esprits.
le gore est synonyme de succès, et les films s'enchaînent, avec plus ou moins de bonheur, notamment avec le cinéma d'horreur italien, qui sait plus ou moins habilement renouveler les succès américains en reprenant les thèmes récurrents du genre ( cannibales, zombies, tueurs en série ).
au cours des années 80, le cinéma gore est particulièrement prisé par les jeunes réalisateurs amateurs américains, qui, sans le moindre sou, mettent en boîte des bandes improbables mais excessives, telles que "ozone", "street trash", "bad taste" ou "basket case" !
depuis, le gore fait partie intégrante du cinéma d'épouvante...
voici une petite liste des grandes étapes du genre :
* blood feast-la fête sanglante ( herschell gordon lewis, 1963 )
* 2000 maniacs ( herschell gordon lewis, 1964 )
* la nuit des morts-vivants ( george andrew romero, 1968 )
* le massacre des morts-vivants ( jorge grau, 1974 )
* suspiria ( dario argento, 1976 )
* le dernier monde cannibale ( ruggero deodato, 1977 )
* zombie ( george andrew romero, 1978 )
* l'enfer des zombies ( lucio fulci, 1979 )
* maniac ( william lustig, 1980 )
* cannibal holocaust ( ruggero deodato, 1980 )
* frayeurs ( lucio fulci, 1980 )
* l'au-delà ( lucio fulci, 1981 )
* evil dead ( sam raimi, 1982 )
* bad taste ( peter jackson, 1985 )
* le jour des morts-vivants ( george andrew romero, 1985 )
* re-animator ( stuart gordon, 1986 )
* brain dead ( peter jackson, 1992 )
* une nuit en enfer ( roberto rodriguez, 1995 )
* massacre à la tronçonneuse ( 2003, marcus nispel )